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D'OÙ VIENT LA DANSE INTÉGRÉE ?

1980: Une nouvelle méthode d’exploration en danse contemporaine est en plein essor aux États-Unis et en Angleterre : l’improvisation danse contact.

Ce champ d’exploration basé sur l’expression libre et égalitaire démocratise l’accès à la danse et favorise la participation de danseurs de divers horizons. En cet ère post-moderne, la danse n’est plus réservée à une élite composée de danseurs aux corps parfaits, virtuoses et performants. Dans ce contexte novateur de la danse contact, la rencontre entre danseurs avec et sans handicap est rendue possible. Elle révèle un potentiel artistique aussi inattendu que prometteur.

L’appellation « danse intégrée » apparaît alors. Elle renvoie à l’intégration de danseurs en situation d’handicap aux côtés de danseurs sans handicap, dans des ateliers autant que sur scène. Cette démarche créative participe au questionnement de savoir comment vivre ensemble, sur la scène tout autant que dans la vie. Ce nouveau courant vient remettre en question les perceptions établies de la conformité et de l’esthétique du corps dansant, et ainsi ouvrir de nouvelles perspectives en danse contemporaine.

Changement de mœurs

Au même moment, on assiste en Occident à un mouvement d’émancipation des personnes handicapées dont l’assemblée générale des Nations Unies a répertorié les droits dans une déclaration signée le 9 décembre 1975 à Genève. Cette Déclaration internationale des Droits des Personnes Handicapées (résolution 3447 de l’ONU) produit un effet réel sur la communauté des personnes handicapées qui se trouvent dès lors encouragées à se regrouper et à fonder des associations pour la défense de leurs droits, au cours desquelles il est discuté des enjeux pour l’épanouissement des personnes avec handicap tout comme de l’accessibilité architecturale et urbaine, le transport adapté, l’accès aux études, à l’emploi et aux loisirs. Peu à peu, au cours des décennies 1980 puis 1990 les mœurs changent, la perception du handicap évolue et les handicapés s’affirment comme des citoyens à part entière, capables de contribuer à la vitalité de leur milieu. La danse contemporaine n’y fait pas exception. Dans la foulée surgissent des leaders représentatifs tels que Céleste Dandeker et Judith Smith qui feront la preuve, à travers leur vision artistique, que la diversité des corps et des mobilités transforment et enrichissent le langage chorégraphique.

 

La danse intégrée et sa renommée

La danse intégrée connait depuis une vingtaine d’années un engouement aux quatre coins du globe. Entre la renommée des compagnies pionnières Axis dance compagny aux États-Unis (fondée en 1987) et CandoCo en Angleterre (fondée en 1991), la danse intégrée se propage rapidement et s’inscrit dans un vaste courant international. Qu’elle soit pratiquée comme loisir, comme activité de médiation culturelle, pour ses effets thérapeutiques ou dans une démarche professionnelle destinée à la représentation sur scène, cette discipline inclusive, rassemble, fascine, interroge, et toujours dérange. Mais elle attire assurément de plus en plus d’adeptes. Le désir de mettre en scène la mobilité réduite, le corps brisé, morcelé ou la déficience intellectuelle est résolument dans l’air du temps, surtout depuis une quinzaine d’années. Pour preuve la célèbre vidéo-danse The Cost of Living de DV8 Physical Theater en 2004 où David Toole, un interprète sans jambe danse un surprenant pas de deux avec la danseuse classique Tanja Liedtke ou l’initiative du chorégraphe Jérôme Bel qui remonte en 2016 le ballet Gisèle à l’Opéra de Paris avec l’interprète en fauteuil roulant Sandra Escudé.

Bien que la danse intégrée soit reconnue par le Conseil des arts du Canada ainsi que dans plusieurs conseils des arts et festivals de danse européens, l’évolution des mentalités demeure lente. Encore aujourd’hui, la perception du handicap sur la scène chorégraphique professionnelle s’avère être un sujet délicat, un tabou persistant. Espérons que l’intérêt grandissant des chorégraphes des prochaines générations pour le corps atypique saura changer le regard des spectateurs et des critiques et que la danse intégrée obtiendra ses lettres de noblesse pour enfin être considérée comme une branche à part entière de la danse contemporaine.